Les musées parisiens font leur rentrée et présentent les expositions de l'automne 2016. De l'art classique à l'art contemporain, la diversité semble le fil conducteur de ces expositions qui apportent le temps de leur visite, oubli du quotidien et questionnement, voire même débat.
Alors que l’été et les belles chaleurs s’affaiblissent, que les derniers airs de vacances s’étiolent et que l’inévitable marche vers 2017 se poursuit vers un climat hivernal plus clément, une si ponctuelle question tarabuste de nouveau notre esprit, forçant attention et intérêt tout en fomentant quelques opportuns débats.
Quelle couleur prendra ma rentrée ? À quel divertissement pourrais-je octroyer un modeste temps pour combler ma fin d’année de nouveaux souvenirs précieux et mémorables ?
Car si la rentrée n’est pas accueillie avec enthousiasme par tout le monde, elle n’offre pas moins son lot d’événements espérés, de programmations attendues avec impatience pour se défaire un temps d’un quotidien parfois éreintant ou lassant. Et c’est à cette question problématique que semblent répondre les musées de France et du Monde, que l’on accuserait volontiers de s’être « passer le mot » pour nous délier cette interrogation et nous apporter une modeste réponse.
En effet, chaque personne y trouvera son compte. Du féru d’art « ancien » nourri aux XVIIIe et XIXe siècles, au plus épris des activités artistiques contemporaines alimentées aux concepts et théorisations hermétiques, en passant par le modeste mais non moins exigeant moderniste, et le contemplatif, l’éclectique qui assouvit sa soif d’érudition personnelle en examinant tous les styles et époques confondues. En somme, de Rembrandt à Cy Twombly, de Henri Fantin-Latour à Bernard Buffet, la
rentrée muséale 2016 naitra sous le signe de la
diversité avec pas moins d’une trentaine d’expositions en France, dont une vingtaine parisiennes, alliant qualité et intérêt, autant esthétique qu’historique.
Les dix-neuviémistes auront l’heureuse surprise de découvrir quelques riches personnalités ou thèmes précieux de leur siècle fétiche ; de spleenétiques et saturniens artistes à des wagnériens et ombrageux écrivains ayant sévi non de leur pinceau, mais d’une atrabile encre noire et d’une féroce plume s’octroyant quelques voyages dans les limbes et les beautés invisibles de ce bas monde.
L’exposition
« L’œil de Baudelaire » au
Musée de la vie Romantique, outre les peintures, sculptures, estampes et documents exposés sur l’auteur des
Fleurs du Mal, s’accordera également un regard sur une époque parturiente en novations artistiques et littéraires.
Une fois n’est pas coutume, et si les littérateurs ont une place justifiée entre les murailles muséales, le
Petit Palais apporte sa contribution à l’
ut pictura poesis exposée, en vouant son attention au suborneur et amoral écrivain britannique
Oscar Wilde en rassemblant toiles, dessins, aquarelles et manuscrits rendant hommage au père de Dorian Gray.
Ce siècle tumultueux, aussi doué en progrès que meurtrié et sauvage en histoire et politique, volubile en littérature et en art, à la fois festif et affligé, gouvernera les cimaises d’
Orsay, penché sur la période faste et trouble de Napoléon III. Entre histoire et art, le musée de Victor Laloux nous expose les balbutiements politiques et les fastes esthétiques d’une période qui construira nombre de futures sociétés artificielles.
La musique, également, sera à l’honneur pour dépeindre une autre facette du siècle romantique,
Beethoven et son mythe à la
Philharmonie de Paris, exposition harmonique mettant en exergue le grand compositeur au regard des citations et reprises publicitaires, de la
Neuvième de Kubrick dans
Orange Mécanique à la
Cinquième de Walter Murphy. Une constante admiration envers la fascinante notoriété de Beethoven, bien au-delà sa genèse.
Les dix-neuviémistes ravis, et bientôt repus, ne sont et ne seront pas les seuls, puisque les férus
d’art moderne et d’art contemporain ne sauront également où se donner de la tête. Nul besoin de les convier expressément dans les lieux unanimement entendus et considérés comme fleurons des grandes expositions et grandes rétrospectives appareillés de collections et prêts toujours plus cyclopéens, toujours plus déroutants de richesses inépuisables.
Un
Magritte philosophe au
Centre Pompidou, dont la dernière rétrospective date de 1979. Il aura fallu attendre 36 ans pour voir ou revoir sommeiller en cortège sur des cimaises voisines le « Balcon de Monet », « le double secret » et l’énigmatique, le malmenant et mythique « Ceci n’est pas une pipe » ; représentatifs des réflexions complexes du peintre sur les tensions entre sensible et intelligible, fiction et réel, ressemblance et mimesis, et sur les sens pluriels que nous prêtons ou appliquons aux images. Une dictature du lexème digérant et dirigeant notre commune observation que Magritte dissèque et analyse pour déjouer l’obscure entreprise d’une
Trahison des images.Dans ce lieu mythique qu’est le
Centre Pompidou,
Jean-Luc Moulène et
Brassai seront les deux contemporains à investir les murailles célestes du musée. Le premier ; dont le Centre Pompidou consacre la première exposition monographique ; provocateur et dissident personnage, dont les œuvres eurent un petit succès et le mérite de bouleverser quelques badauds à la Biennale de Sao Paulo en 2OO2, revient armé et propose de nouveau un regard croisé sur les rapports complexes entre photographie et art autour de nouvelles pièces. Quant au second, c’est aux Graffitis ciselés dans la roche et photographiés par l’artiste que le musée compte bien rendre hommage à partir d’une sélection de quatre-vingts œuvres issues de leur propre collection.
Autre date à retenir, également entre les murs du
Centre Pompidou – une exposition que nous suivrons de près – la première grande exposition sur l’artiste américain
Cy Twombly ; de ses peintures à ses photographies, ses dessins et sculptures. Toute la palette de l’artiste offerte aux yeux du spectateur pour un spectacle d’une ampleur colossale, sans précédent, mettant l’accent sur des inédits jamais exposés en France.
Outre ce lieu inévitable, le théâtre des arts exposés se poursuit sur d’autres scènes, d’autres secteurs, du
Musée d’Art Moderne de Paris à la
Fondation Louis Vuitton ; d’un Bernard Buffet enfin ressuscité dont nous suivrons également de très près l’exposition tant attendu, à la collection dévoilée d’une collectionneur hors norme,
Chtchoukine, éminent mécène de l’art moderne, dont l’exposition d’octobre sera une première mondiale s’accordant un voyage sans précédent entre les plus belles pièces de l’art moderne jamais mises à disposition du spectateur. On y croisera les figures les plus emblématiques du début XXe en conversation intime avec des noms moins fréquentés par les institutions muséales, mais non moins saisissants et des plus imposants aux yeux de l’histoire de l’art.
Afin de céder à la simplicité, et faire saliver de futurs assidus visiteurs, d’autres thèmes d’un lourd intérêt les laisseront songeurs et que plus impatients :
Georges-Henri Pingusson entre les murs de la
Cité de l’architecture de Paris ; L’esprit du
Bauhaus au
Musée des Arts décoratifs ;
Hervé di Rosa à la
Maison Rouge ;
Albert Besnard au
Petit Palais ;
André Serrano au
MEP ; un Mexique différent au
Grand Palais avec
Frida Kahlo et
Gabriel Orozco... Deux expositions sur le thème de l’histoire, riches en mémoire et en iconographies :
Les artistes afro-américains et la ségrégation aux États-Unis ;
Du Jourdain au Congo, Art et Christianisme en Afrique Centrale ; deux expositions croisées au
musée du Quai Branly. Pour achever cette énumération – laconique au vue d’une kyrielle de dates trop prolixe – deux autres expositions, ou « phénomènes » de la rentrée, qu’il ne faudra nullement manquer de chroniquer ! Le
Jeu de Paume délègue au philosophe et historien de l’art
Didi-Huberman l’ouvrage herculéen de saisir un terme universel, synonyme de politique, d’engagement, d’agitation, de révolte et d’insoumission :
Soulèvement. Acception plurielle dont l’auteur de la série
L’œil de l’Histoire aborde en croisant et assimilant texte/image d’œuvres anciennes et contemporaines. Une exposition sur l’exposition des peuples, sur la représentation de l’homme face au rejet, à l’évolution, aux discordes. Entre esthétique et politique, Didi-Huberman n’a pas finit sa quête d’observateur aiguisé, d’un regard cynique et objectif, scénique et réaliste.
Sans transition aucune, le second « phénomène » muséal, émanent d’un autre « Phénomène » de l’art, artiste plural, grand perturbateur des saintes orthodoxies artistiques,
Maurizio Cattelan revient crier sa pleine ironie à
La Monnaie de Paris. L’artiste qui s’octroyait une retraite méritée après son exposition
All en 2011 au Guggenheim, propose un nouveau thème aussi cinglant, inquiétant qu’insolent :
Cattelan without Cattelan, traduire
Cattelan sans Cattelan, traduire
survivre de son art après sa mort ou
peut-il encore en avoir, après ?
Nous laissons le soin au spectateur de répondre à cette fâcheuse, stimulante et complexe question.
D’autres encore sont à retenir, à fouler, d’octobre de cette année aux premiers mois de l’année future. Un début 2017 haut en couleur pour la culture et l’évènementiel. Nous vous proposons une liste, non exhaustive, des différents lieux consacrés à l’art et l’histoire des arts. Certaines expositions feront l’objet d’autres observations et d’autres chroniques afin de mieux rendre compte de la richesse et l'impact de certains artistes et certains thèmes.
Musée des Arts Décoratifs : Roger TallonDu 08 septembre 2016 au 08 janvier 2017Musée du Luxembourg : Henri Fantin-Latour, A fleur de peauDu 14 septembre 2016 au 12 février 2017Musée Jacquemart-André : Rembrandt intimeDu 16 septembre 2016 au 23 janvier 2017Musée Marmottan-Monet : Hodler, Monet, MunchDu 15 septembre 2016 au 22 janvier 2017Musée de la Vie Romantique : L'œil de BaudelaireDu 20 septembre 2016 au 29 janvier 2017
Centre Pompidou : Magritte, la trahison des images21 septembre 2016 - 23 janvier 2017
Musée d'Orsay : Spectaculaire Second Empire27 septembre 2016 - 16 janvier 2017
Grand Palais : Hergé28 septembre 2016 - 15 janvier 2017
Musée d'Art Moderne : Bernard Buffet01 octobre 2016 - 28 février 2017
Cité de l'Architecture : Georges-Henri Pingusson, le Modernisme transcendé01 octobre 2016 - 28 février 2017
Musée du Quai Branly : The color line, les artistes afro-américains et la ségrégation aux États-Unis04 octobre 2016 - 15 janvier 2017
Grand-Palais : Le Mexique des Renaissances, de Frida Kahlo à Gabriel Orozco05 octobre 2016 - 23 janvier 2017
Musée Picasso : Picasso-Giacometti04 octobre 2016 - 19 février 2017
Musée du Louvre Petite Galerie : Le corps en mouvement, de l'opéra au musée06 octobre 2016 - 03 juillet 2017
Musée de l'Orangerie : The age of anxiety, les artistes américains 1930-194212 octobre 2016 - 30 janvier 2017
Art Ludique le Musée : L'art des studios d'animation Walt Disney14 octobre 2016 - 05 mars 2017
Philharmonie de Paris : Le mythe Beethoven14 octobre 2016 - 29 janvier 2017
Musée de l'Armée : Guerres secrètes15 octobre 2016 - 25 janvier 2017
BNF Mitterrand : La France de Richard Avedon17 octobre 2016 - 15 janvier 2017
Musée Rodin : L'Enfer selon Rodin17 octobre 2016 - 22 janvier 2017
Musée de Cluny : Les temps mérovingiens19 octobre 2016 - 30 janvier 2017
Centre Pompidou : Jean-Luc Moulène19 octobre 2016 - 20 février 2017
Musée des Arts Décoratifs : L'esprit du Bauhaus19 octobre 2016 - 26 février 2017
Petit-Palais : Oscar Wilde19 octobre 2016 - 15 janvier 2017
Fondation Louis Vuitton : Icônes de l'art moderne, la collection Chtchoukine22 octobre 2016 - 20 février 2017
Musée du Louvre : La Collection Tessin, un suédois à Paris au 18e siècle20 octobre 2016 - 16 janvier 2017
Musée du Louvre : Le geste baroque, dessins des collections de Salzbourg20 octobre 2016 - 16 janvier 2017
La Maison Rouge : Hervé di Rosa22 octobre 2016 - 22 janvier 2017