Le personnage apparaît et disparaît. Il arpente un endroit qui a l’air d’être chez lui. N’est pas très doué en déplacements, d’ailleurs il nous en parle, amusé d’être si peu adapté : « de toute façon c’est difficile de marcher avec moi parce que j’ai des gros problèmes de trajectoire (…) ».
Le plaisir de ce spectacle vient d’abord de sa littérature. Et puis, sa façon de prononcer, le rythme des mots et de la voix, les mains se tordent et remettent en place la chemise… L’ensemble forme une singulière cohérence et dégage une présence, paradoxalement, timide et puissante. On cherche à le comparer, mais c’est difficile, Didier Delahais est un monde unique (alors qu’il se débat avec de nombreux multiples et tous les possibles). Le metteur en scène Jean-Pierre Ryngaert a sélectionné dans le texte initial, édité aux éditions Moires, des bribes, des brèves, quelques grandes scènes comme des mini-climax. La mise en scène sobre, l’éclairage de pénombre, quelques sons pour exagérer, une vitre floue à travers laquelle on suppose un dehors… On a tout de suite envie de rester là, dans ce spectacle.
On serait tenté de le définir comme un homme simple, embêté du quotidien… Mais, non, il a le cran du héros, seul en scène avec son propre texte, sans aucun effet pour se cacher, avec les angoisses qui submergent parfois : il en faut du courage.
Quand le narrateur s’aventure, il revient nous raconter : dans une librairie, un livre tombe et voilà qu’il rencontre une phrase !
Il a le goût des mots – et s’arrête pour en répéter certains, étonné d’une beauté ou d’un son. Dans sa solitude, il convoque des personnages. Il leur ouvre parfois la porte, ou c’est lui qui est invité. Relate des sortes de conversations. Mais les autres, ça ne résout rien du tout. Un peu d’enfance apparaît, c’est balayé. Un désir d’amour, balayé aussi. Un fantasme de passe-muraille : il reprend le dessus.
« Il faut que je me détache oui c’est ça je vais prendre l’air détaché partout où je serai ce sera un entraînement quotidien auquel il faudra absolument me plier je vais me tenir à cette discipline je commence demain ».